L’importance des minéraux pour les chevaux
Les minéraux jouent un rôle fondamental dans la santé et le bien-être des chevaux. Bien que nécessaires en quantités relativement faibles par rapport aux macronutriments, ces éléments nutritifs restent indispensables au bon fonctionnement de l’organisme équin. Une compréhension approfondie de leurs besoins spécifiques permet non seulement d’optimiser la ration alimentaire, mais également de prévenir les carences susceptibles d’affecter les performances, la croissance et la santé générale du cheval.
Chaque cheval présente des besoins minéraux complexes qui évoluent en fonction de nombreux paramètres : son âge, son niveau d’activité physique, son stade physiologique et même son environnement. Lorsque l’alimentation est équilibrée en minéraux, elle contribue efficacement au développement musculaire, au maintien d’une structure osseuse solide, au bon fonctionnement du système nerveux et à l’efficacité optimale du système immunitaire.
Les minéraux majeurs indispensables au cheval
Le duo calcium-phosphore : fondement de la santé osseuse
Les macroéléments constituent véritablement la base de l’équilibre minéral chez le cheval. Parmi eux, le calcium et le phosphore forment un duo particulièrement critique dans la nutrition équine, avec un rapport optimal qui devrait se situer entre 1,2:1 et 2:1, idéalement autour de 1,5:1 pour les chevaux adultes.
Le calcium ne se contente pas uniquement de participer à la formation osseuse ; il intervient également dans des processus vitaux tels que la contraction musculaire et la coagulation sanguine.
Pour un cheval de 500 kg effectuant un travail modéré, les besoins quotidiens oscillent généralement entre 20 et 30 grammes de calcium.
Quant au phosphore, son rôle s’étend bien au-delà de la simple minéralisation osseuse puisqu’il participe activement au métabolisme énergétique et à la formation de l’ADN.
Un cheval adulte de taille moyenne nécessite quotidiennement entre 14 et 20 grammes de phosphore.
Il est crucial de comprendre qu’un rapport phospho-calcique inadéquat, particulièrement lorsque le phosphore excède le calcium, peut conduire à l’ostéofibrose, communément appelée « maladie de la grosse tête ». Cette pathologie se caractérise par une résorption osseuse compensatoire et un gonflement des os de la face, particulièrement visible au niveau du maxillaire.
Le magnésium : chef d’orchestre du métabolisme
Au cœur de plus de 300 réactions enzymatiques, le magnésium occupe une place centrale dans l’organisme équin. Son influence s’exerce sur la transmission nerveuse, la contraction musculaire et le métabolisme des glucides, nécessitant un apport quotidien d’environ 7,5 grammes pour un cheval de 500 kg.
Lorsqu’une carence en magnésium survient, elle peut se manifester de diverses manières : nervosité excessive, tremblements musculaires inquiétants ou encore difficultés de récupération après l’effort.
Sodium, chlore et potassium : la triade électrolytique
Principalement apportés sous forme de sel, le sodium et le chlore assurent des fonctions vitales en régulant l’équilibre hydrique et la pression osmotique. Il est impressionnant de constater qu’un cheval au travail peut perdre jusqu’à 10 litres de sueur par heure, chaque litre contenant environ 3 grammes de sodium. Cette perte considérable explique pourquoi l’apport quotidien recommandé varie significativement, allant de 10 à 60 grammes selon l’intensité du travail et les conditions climatiques.
Le potassium, souvent négligé dans les discussions sur la supplémentation, joue pourtant un rôle crucial dans l’équilibre électrolytique et la fonction musculaire. Les fourrages en contiennent généralement des quantités suffisantes, mais les chevaux en travail intense peuvent nécessiter une supplémentation, particulièrement après des efforts prolongés entraînant une sudation importante.

Les oligo-éléments essentiels chez le cheval
Le rapport zinc-cuivre
Bien que nécessaires en faibles quantités, les micro éléments jouent des rôles cruciaux dans l’organisme équin. Le zinc et le cuivre entretiennent une relation particulièrement importante, avec un rapport optimal zinc/cuivre qui devrait se maintenir entre 2,5:1 et 3:1.
Le zinc, participant à plus de 200 réactions enzymatiques, influence la cicatrisation, la reproduction et l’immunité, avec des besoins quotidiens s’élevant à 400 mg pour un cheval de 500 kg.
Le cuivre, nécessaire à raison de 100 mg par jour, joue des rôles multiples dans la formation du collagène, l’absorption du fer et la pigmentation.
Son importance devient particulièrement évidente lors du développement du cartilage et des os chez les jeunes chevaux.
Un déséquilibre du rapport zinc/cuivre peut compromettre l’efficacité de ces deux minéraux, soulignant l’importance d’une supplémentation équilibrée.
Le fer
Composant essentiel de l’hémoglobine, le fer assure le transport vital de l’oxygène dans l’organisme. Contrairement à une croyance largement répandue dans le monde équestre, les carences en fer restent exceptionnellement rares chez les chevaux. En réalité, l’anémie chez le cheval est rarement due à une carence en fer, mais plutôt à d’autres facteurs tels que des pertes sanguines chroniques, des maladies inflammatoires ou des carences en vitamines B12 ou en acide folique.
La supplémentation excessive et souvent inutile en fer chez les chevaux de sport représente non seulement un gaspillage économique, mais peut également créer des interactions négatives avec d’autres minéraux. Un excès de fer interfère significativement avec l’absorption du zinc et du cuivre, pouvant créer des carences secondaires en ces oligo-éléments essentiels.
Un cheval adulte nécessite environ 400 mg de fer par jour, quantité généralement largement couverte par l’alimentation de base.
Le sélénium
En association étroite avec la vitamine E, le sélénium agit comme un puissant antioxydant. La forme du sélénium influence considérablement son absorption et son efficacité. Le sélénium organique, sous forme de L-sélénométhionine, présente une biodisponibilité nettement supérieure aux formes inorganiques comme le sélénite ou le sélénate de sodium. Cette forme organique s’incorpore directement dans les protéines corporelles, offrant une protection antioxydante prolongée.
Avec des besoins quotidiens oscillant entre 1 et 2 mg, la supplémentation en sélénium requiert une attention particulière. Le seuil de toxicité se situe à seulement 3 ppm dans la ration totale, illustrant la marge étroite entre carence et toxicité. Les signes de surdosage incluent la perte de crins de la queue et de la crinière, des problèmes de corne et, dans les cas sévères, des troubles neurologiques.
Iode, manganèse, cobalt et soufre
L’iode, participant à la synthèse des hormones thyroïdiennes, nécessite un apport quotidien d’environ 3,5 mg pour un cheval de 500 kg. Certains facteurs anti-nutritionnels, notamment présents dans les crucifères comme le chou ou le colza, peuvent interférer avec l’utilisation de l’iode. Le seuil toxique se situe à 5 ppm dans la ration, les excès pouvant provoquer un goitre paradoxal.
Le manganèse intervient dans la formation osseuse et cartilagineuse avec des besoins quotidiens de 400 mg. Son rôle dans la prévention de l’ostéochondrose chez les poulains mérite une attention particulière.
Le cobalt, souvent négligé, constitue pourtant un composant essentiel de la vitamine B12. Les besoins restent minimes (0,1 mg/jour) mais son absence peut compromettre la synthèse de cette vitamine cruciale pour la formation des globules rouges.
Le soufre, présent dans les acides aminés soufrés (méthionine et cystéine), joue un rôle structural important dans la formation de la corne et du poil. Les besoins sont généralement couverts par les protéines alimentaires, mais certaines situations peuvent nécessiter une attention particulière.


Les minéraux chez le poulain : stockage fœtal et transfert maternel
La constitution des réserves fœtales
Durant la gestation, le fœtus constitue des réserves hépatiques importantes en zinc, cuivre, manganèse et fer. Ces réserves s’avèrent cruciales pour les premiers mois de vie, période durant laquelle le lait maternel, naturellement pauvre en ces oligo-éléments, ne suffit pas à couvrir les besoins du poulain en croissance rapide.
La qualité de ces réserves dépend directement du statut nutritionnel de la mère durant la gestation.
Une jument carencée donnera naissance à un poulain aux réserves insuffisantes, le prédisposant à des troubles du développement, notamment l’ostéochondrose. Cette pathologie du développement, caractérisée par des anomalies de l’ossification endochondrale, trouve souvent son origine dans des carences minérales précoces.
L’importance du colostrum et de la supplémentation maternelle
Le colostrum représente bien plus qu’une simple source d’anticorps. Il constitue également un vecteur important de minéraux, particulièrement pour le zinc et le cuivre. La concentration de ces oligo-éléments dans le colostrum dépend directement du statut nutritionnel de la jument. Une supplémentation adéquate de la mère durant les derniers mois de gestation et les premiers mois de lactation s’avère donc cruciale pour optimiser ce transfert.
Les aspects géographiques et environnementaux
L’influence du sol sur la composition des fourrages
La teneur minérale des fourrages reflète directement la composition du sol sur lequel ils poussent. Les sols acides favorisent généralement une carence en calcium et en phosphore, tandis que les sols alcalins peuvent limiter la disponibilité du zinc, du cuivre et du manganèse. Les régions granitiques présentent souvent des carences en sélénium, nécessitant une supplémentation systématique.
Les pratiques agricoles modernes influencent également la composition minérale des fourrages. L’utilisation intensive d’engrais potassiques peut créer des déséquilibres, augmentant excessivement le potassium au détriment du magnésium et du sodium. Cette situation se révèle particulièrement problématique au printemps, lorsque l’herbe jeune accumule naturellement des niveaux élevés de potassium.
Variations saisonnières et climatiques
Les changements saisonniers affectent profondément la composition minérale des pâturages.
L’herbe de printemps, riche en potassium et pauvre en magnésium, prédispose aux tétanies d’herbage.
À l’automne, la diminution de la photosynthèse réduit la teneur en nombreux oligo-éléments, nécessitant des ajustements de la supplémentation.
Les conditions climatiques extrêmes imposent des adaptations spécifiques. Les climats chauds et humides augmentent les pertes électrolytiques, tandis que les climats froids peuvent réduire l’absorption intestinale de certains minéraux.
Les chevaux voyageant fréquemment ou changeant de climat nécessitent une période d’adaptation et des ajustements nutritionnels appropriés.

Attention au piège du « le plus c’est le mieux »
Le mythe selon lequel « plus c’est mieux » en matière de supplémentation reste dangereux et coûteux. Chaque minéral possède un coefficient de sécurité spécifique entre la dose utile et la dose toxique. Pour certains éléments comme le sélénium, ce coefficient reste dangereusement faible (environ 10), tandis que pour d’autres comme le zinc, il peut atteindre 50 ou plus.
Les signes de surdosage varient selon le minéral concerné. Un excès de zinc peut provoquer une carence secondaire en cuivre, se manifestant par des troubles du développement osseux. Un surdosage en iode entraîne paradoxalement les mêmes symptômes qu’une carence, avec développement d’un goitre. L’excès de fer, outre ses effets sur l’absorption d’autres minéraux, peut s’accumuler dans le foie et causer des dommages oxydatifs.
Guide pratique de la supplémentation
Réaliser et interpréter une analyse de fourrage
L’analyse des fourrages constitue la pierre angulaire d’une supplémentation raisonnée. Pour obtenir un échantillon représentatif, il convient de prélever plusieurs poignées à différents endroits du stock, en évitant les zones moisies ou poussiéreuses. L’échantillon, d’environ 500 grammes, doit être envoyé rapidement au laboratoire dans un sac plastique hermétique.
L’interprétation des résultats nécessite de comparer les valeurs obtenues aux besoins du cheval. Les laboratoires fournissent généralement les teneurs en matière sèche, permettant de calculer les apports réels selon la quantité distribuée. Il est important de noter que la digestibilité des minéraux dans les fourrages peut varier considérablement selon leur maturité et leurs conditions de conservation.
Décrypter les étiquettes des CMV
La lecture des étiquettes de compléments minéraux vitaminés requiert une attention particulière. Les teneurs sont généralement exprimées par kilogramme de produit, nécessitant un calcul pour déterminer l’apport quotidien selon la dose recommandée. La distinction entre les formes chimiques utilisées (sulfates, oxydes, chélates) influence directement l’efficacité du produit.
Les mentions « par kg de matière sèche » ou « par kg brut » peuvent créer des confusions. Il est essentiel de vérifier si les valeurs incluent l’humidité du produit. La présence d’additifs technologiques (anti-agglomérants, conservateurs) doit également être prise en compte, particulièrement pour les chevaux sensibles.
Calculs pratiques selon la ration
Pour calculer précisément les apports minéraux, il convient d’établir d’abord la ration de base. Un cheval consommant 10 kg de foin à 2 mg de cuivre par kg de matière sèche reçoit environ 18 mg de cuivre, bien en deçà de ses besoins de 100 mg. Le complément doit donc apporter la différence, soit 82 mg.
Cette approche systématique doit s’appliquer à chaque minéral, en tenant compte des interactions possibles. L’utilisation de logiciels de rationnement ou de feuilles de calcul facilite grandement cette tâche, permettant d’ajuster rapidement la supplémentation selon les changements de fourrage ou d’activité.
Cas particuliers et adaptations spécifiques
Le cheval âgé : des besoins modifiés
Les chevaux âgés présentent des particularités nutritionnelles liées au vieillissement. La diminution de l’efficacité digestive peut réduire l’absorption des minéraux de 20 à 30%. Les formes organiques ou chélatées deviennent alors particulièrement intéressantes pour optimiser l’utilisation des nutriments.
Les problèmes dentaires fréquents chez les seniors peuvent limiter la mastication, réduisant la libération des minéraux contenus dans les fibres végétales. L’utilisation de fourrages hachés ou trempés, associée à des CMV en poudre bien mélangés, facilite l’ingestion et l’absorption.
Pathologies influençant l’absorption
Les ulcères gastriques, affectant jusqu’à 90% des chevaux de sport, peuvent significativement altérer l’absorption minérale. L’inflammation de la muqueuse gastrique modifie le pH stomacal, réduisant la solubilisation de certains minéraux. Une supplémentation adaptée, privilégiant les formes tamponnées et fractionnant les apports, s’avère nécessaire.
Le parasitisme intestinal reste une cause majeure de malabsorption minérale. Les strongles, en particulier, provoquent des lésions de la muqueuse intestinale et des microhémorragies chroniques. Un programme de vermifugation raisonné, associé à une supplémentation compensatoire, permet de maintenir un statut minéral adéquat.
La gestion lors des transports
Les transports de longue durée imposent un stress métabolique important. La déshydratation, même légère, concentre les minéraux dans le sang, pouvant temporairement masquer des carences. La supplémentation en électrolytes doit débuter 2-3 jours avant le transport et se poursuivre durant le voyage.
Les changements d’eau lors des déplacements peuvent perturber l’équilibre minéral. L’eau peut varier considérablement en teneur minérale selon les régions, affectant particulièrement les apports en calcium et en magnésium. L’utilisation d’eau transportée ou l’ajout d’électrolytes peut faciliter la transition.
L’évaluation nutritionnelle
Les limites des analyses sanguines
Contrairement aux idées reçues, les analyses sanguines présentent des limites importantes pour évaluer le statut minéral. Les concentrations sanguines de nombreux minéraux sont étroitement régulées par l’organisme et ne reflètent les carences qu’à un stade avancé. Le zinc plasmatique, par exemple, peut rester normal malgré une déplétion importante des réserves corporelles.
Certains paramètres offrent néanmoins des informations utiles. L’activité de la glutathion peroxydase reflète fidèlement le statut en sélénium. La ferritine sérique constitue un bon indicateur des réserves en fer, plus fiable que le fer sérique seul. Les hormones thyroïdiennes peuvent indiquer indirectement un problème d’iode, bien que d’autres facteurs puissent les influencer.
L’évaluation nutritionnelle globale
L’approche moderne privilégie l’évaluation nutritionnelle globale de la ration plutôt que la recherche de carences isolées. Cette méthode intègre l’analyse des fourrages, le calcul des apports totaux, l’évaluation des besoins spécifiques et l’observation clinique du cheval.
Des outils pratiques facilitent cette évaluation. Les logiciels de rationnement permettent de modéliser rapidement différents scénarios. Les applications mobiles offrent la possibilité de photographier et d’évaluer l’état corporel, la qualité du poil et d’autres indicateurs nutritionnels. Les check-lists d’évaluation standardisées aident à ne négliger aucun aspect.
Quand faire appel à un nutritionniste équin ?
L’expertise d’un nutritionniste équin devient précieuse dans plusieurs situations. Les troubles de croissance chez les jeunes chevaux, les contre-performances inexpliquées, les problèmes de reproduction ou les pathologies métaboliques nécessitent une approche professionnelle approfondie.
Le nutritionniste apporte non seulement ses connaissances techniques, mais également son expérience pratique et sa capacité à interpréter l’ensemble des données disponibles. Il peut réaliser des audits nutritionnels complets, proposer des protocoles de supplémentation individualisés et assurer un suivi régulier pour optimiser les résultats.
Vers une supplémentation raisonnée et efficace
L’équilibre minéral chez le cheval résulte d’une approche scientifique rigoureuse combinée à une observation attentive de l’animal. La compréhension des interactions complexes entre minéraux, de l’influence de l’environnement et des besoins spécifiques de chaque individu permet d’éviter tant les carences que les excès.
La supplémentation via l’utilisation de compléments alimentaires pour chevaux, s’appuyant sur des formes minérales biodisponibles et des méthodes d’évaluation précises, offre des outils performants pour optimiser la santé équine. Néanmoins, elle ne doit jamais remplacer une alimentation de base de qualité ni masquer d’éventuels problèmes de gestion.
L’avenir de la nutrition minérale équine s’oriente vers une personnalisation accrue, intégrant les avancées de la nutrigénomique et de l’analyse prédictive. En attendant ces développements, une approche raisonnée, basée sur les connaissances actuelles et adaptée à chaque situation, reste la meilleure garantie d’une supplémentation efficace et économique, assurant santé, bien-être et performances optimales pour nos compagnons équins.

