Ataxie chez le cheval

L’ataxie est un terme utilisé pour désigner une atteinte neurologique entrainant des troubles de l’équilibre et de la posture chez le cheval. Derrière ce mot étrange, se cachent de nombreuses pathologies différentes, malheureusement souvent graves et difficiles à traiter.
Cela peut également être dangereux pour le propriétaire car le cheval peut chuter à tout moment.

L’ataxie chez le cheval : qu’est-ce que c’est ?

L’ataxie n’est pas une maladie en soi.

Il s’agit plutôt d’un symptôme, voire d’un syndrome (ensemble de symptômes réunis), qui peut être la conséquence de nombreuses maladies ou causes traumatiques.

Elle correspond à un défaut de coordination des membres et des mouvements du cheval.

Elle se caractérise par des troubles de la proprioception, associés à des modifications de la posture, des mouvements anormaux, voire des pertes d’équilibre pouvant aller jusqu’à la chute du cheval.

La proprioception, c’est la faculté à percevoir la position de son corps dans l’espace (c’est ce qui fait que vous pouvez toucher le bout de votre nez les yeux fermés sans hésitation).

L’ataxie chez le cheval n’est pas forcément évidente à reconnaître car il existe différents degrés de gravité. Certains signes peuvent vous mettre la puce à l’oreille, mais c’est le vétérinaire qui vous confirmera si votre cheval est atteint d’ataxie.

Les signes de l’ataxie chez le cheval :

  • Les postérieurs ont tendance à faire des mouvements circulaires vers l’extérieur lorsque le cheval marche et à trainer légèrement.

  • Quand le cheval tourne court, son postérieur interne croise parfois derrière le postérieur externe (au lieu de croiser devant systématiquement).

  • Les mouvements des membres antérieurs sont amplifiés si le cheval marche tête haute.

  • Le cheval a des difficultés à reculer en ligne droite avec une tendance à s’asseoir.

  • Il peut chuter si on lui lève rapidement la tête ou lors d’un virage serré (au pas).

  • A l’arrêt, le cheval a tendance à écarter un peu plus les membres pour garantir son équilibre.

Ces signes sont loin d’être exhaustifs. Le vétérinaire va généralement réaliser une série de petits tests dynamiques pour confirmer l’ataxie. Elle peut aller d’un grade très discret (mouvements juste un peu exacerbés) à un grade sévère (cheval assis ou couché incapable de se relever seul).

Ce qui rend l’ataxie parfois difficile à diagnostiquer, c’est que la plupart des signes décrits ci-dessus ne se remarquent que si on regarde attentivement le cheval. Si on ne la cherche pas, elle peut passer inaperçue.

Cependant, certaines choses dans la manipulation ou le travail de votre cheval, peuvent vous amener à vous interroger sur une éventuelle ataxie :

  • Lors de la prise des postérieurs pour curer les pieds, un cheval qui s’appuie exagérément sur vous, voire qui se laisse tomber.
  • Un cheval qui a tendance à prendre toujours la mauvaise foulée à l’obstacle, cela pouvant aller jusqu’à la chute.
  • A l’inverse, un cheval qui a un « coup de saut » impressionnant, et toujours tendance à sauter beaucoup plus haut que nécessaire.
  • Un cheval qui trébuche fréquemment.
  • Une démarche « raide » des postérieurs.
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Credit photo : France 3

Ce type de symptôme peut vous alerter mais ils sont loin d’être systématiquement associés à de l’ataxie, à la différence des symptômes décrits précédemment. Seul le vétérinaire pourra vous le confirmer.

Quelles sont les causes de l’ataxie chez le cheval ?

Les causes de l’ataxie chez le cheval sont nombreuses.

La plus fréquemment citée est le syndrome de Wobbler, lié à une malformation des cervicales, mais c’est loin d’être la seule.

Les causes mécaniques

Elles sont liées à une compression de la moelle épinière au niveau des cervicales du cheval.

En effet, l’ataxie est un symptôme d’atteinte neurologique généralement localisée au niveau des cervicales.

Le signal nerveux ne passe pas bien entre le cerveau, qui envoie la commande, et les membres, qui exécutent le mouvement. Il en résulte cette incoordination.

Plus la compression est sévère, plus les signes sont graves.

Ainsi, cela peut aller d’une compression transitoire, avec des symptômes qui n’apparaissent qu’au niveau de l’encolure, dans certaines positions (généralement tête haute), et qui disparaissent lorsque l’encolure est basse; à une compression intense, très douloureuse, associée à une paralysie des membres. Tous les stades intermédiaires sont possibles.

Parmi les causes mécaniques on retrouve :

  • Le syndrome de Wobbler

Il s’agit d’une instabilité des vertèbres cervicales, généralement liée à une malformation. Cette instabilité entraine une diminution du diamètre du canal vertébral et donc une compression de la moelle épinière.

Les symptômes apparaissent chez les jeunes chevaux, lors de la croissance, souvent entre 1 et 2 ans.

Ils sont généralement exacerbés lorsqu’on redresse la tête du cheval. Selon la gravité de l’atteinte, l’ataxie peut s’aggraver avec la croissance ou se stabiliser. En l’absence de traitement le pronostic sportif est mauvais, et le pronostic vital dépend de la sévérité des symptômes. Le diagnostic se confirme à la radiographie, en mesurant le canal vertébral, ce qui peut être assez délicat.

  • Les fractures des cervicales

chute cheval

Les symptômes seront généralement d’apparition brutale et suite à un traumatisme, ce qui oriente le diagnostic.

Cependant, en cas de cheval trouvé couché, ce n’est pas forcément une évidence. Les radiographies de l’encolure permettront de confirmer une suspicion de fracture.

  • L’arthrose cervicale

Les symptômes vont s’apparenter à ceux du syndrome de Wobbler mais vont concerner généralement des chevaux âgés. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ils peuvent être d’apparition brutale, suite à un faux mouvement ou à un effort inhabituel.

  • Les inflammations sévères au niveau de l’encolure

Suite à un traumatisme de l’encolure, on peut avoir un hématome proche des cervicales, entrainant des signes d’ataxie. Cela peut aussi arriver suite à une mauvaise réaction à une injection intramusculaire, entrainant une inflammation ou un abcès de l’encolure.

Les causes biologiques 

Elles sont liées à une attaque du système nerveux par un agent extérieur.

  • Les infections virales

On retrouve ici les virus s’attaquant au système nerveux.

Le plus fréquent et connu en France est celui de la variante neurologique de la Rhinopneumonie, ou herpesvirus de type 1.

La maladie démarre généralement avec une forme discrète d’ataxie qui va en s’aggravant, associée à un pic de fièvre qui peut passer inaperçu. En l’espace de 48 à 72 heures, le cheval est généralement couché et incapable de se relever.

Le deuxième virus présent en France et provoquant ce type de symptômes est celui du West-Nile.

Transmis par des piqûres de moustiques, ce virus est surtout présent dans le sud, notamment en Camargue.

Les premiers signes : faiblesse et pic de fièvre, passent généralement inaperçus, mais quelques jours après, des signes neurologiques peuvent apparaître. Cela peut être de l’ataxie, mais aussi des tremblements ou des troubles du comportement. L’évolution peut être favorable en 3 à 4 semaines ou le cheval peut se dégrader vers la paralysie, le coma et la mort.

  • les infections bactériennes ou à protozoaires

Les atteintes neurologiques bactériennes touchent plus souvent le cerveau (méningites) que la moelle épinière, l’ataxie est donc rarement le signe principal. Par contre, il existe l’encéphalomyélite à protozoaire (assimilé à un parasite mais très proche d’une bactérie), aux Etats Unis, qui provoque de l’ataxie.

  • Les intoxications du cheval

De nombreuses intoxications peuvent provoquer des symptômes neurologiques et notamment de l’ataxie, par contre, ils sont généralement associés à d’autres symptômes (coliques, diarrhées…).

Parmi les causes les plus fréquentes, on retrouve les intoxications au Robinier Faux Acacia, au Seneçon, et parfois à certains pesticides ou insecticides.

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Comment soigner l’ataxie chez le cheval ?

Evidemment, cela va dépendre de la cause de celle-ci. Si la cause de l’ataxie est une pathologie qui se soigne bien, celle-ci va généralement disparaître lorsque le cheval est guéri.

Pour les ataxies à cause « biologique »

Si l’infection virale ou l’intoxication est soignée, le cheval retrouve généralement sa mobilité par la suite. Il peut cependant garder des séquelles qui s’estompent progressivement.

  • Lors d’atteinte virale :

Malheureusement, les traitements sont limités et les chances de sauver la vie du cheval sont minces. Le vétérinaire va surtout soutenir l’organisme du cheval pour l’aider à lutter contre le virus. Le pronostic est meilleur pour le West Nile que pour la Rhinopneumonie, mais une fois le cheval couché, il est souvent trop tard.

  • Lors d’intoxication :

Lors d’intoxication, un traitement intensif, à base de perfusions, de drainants, associés à un lavage d’estomac, peuvent guérir le cheval, mais là encore, une fois les symptômes présents, le pronostic est réservé. Cela dépend de la quantité de toxique ingéré et de la rapidité de la prise en charge.

Pour les ataxies à cause « mécanique »

  • Les inflammations traumatiques de l’encolure :

Ce sont les rares causes mécaniques qui se soignent bien, notamment celles qui font suite à une injection ou à un choc. Les anti-inflammatoires, par voie générale ou locale, voire le drainage de l’abcès le cas échéant vont permettre de résoudre le problème et l’ataxie disparaît rapidement.

  • Les fractures :

Lors de fracture, l’évolution dépendra de la gravité et de la présence ou non de déplacement osseux. Lors de fracture ou fêlure simple, sans déplacement, un traitement conservateur avec repos strict prolongé et anti-inflammatoire peut permettre la consolidation osseuse et la guérison du cheval. Le pronostic sportif reste réservé, les séquelles, notamment l’arthrose vertébrale, étant fréquentes.

Si la fracture est multiple et déplacée, le pronostic est généralement sombre. Chaque cas est différent, et c’est le vétérinaire qui sera le mieux placé pour conseiller le propriétaire sur les options qui s’offrent à lui. Il pourra éventuellement demander un avis éclairé auprès d’un chirurgien spécialiste.

  • Arthrose cervicale :

Lors d’arthrose cervicale, l’ataxie est souvent intermittente, en fonction des crises inflammatoires présentées par le cheval.

Des cures d’anti-inflammatoire voire des infiltrations en cas de synovite sévère, permettront de soulager le cheval et d’améliorer sa locomotion. Les corticoïdes sont souvent utilisés car ils sont généralement plus efficaces sur les troubles neurologiques que les anti-inflammatoires classiques.

  • En cas de syndrome de Wobbler :

On est face à une malformation anatomique. Celle-ci ne pourra donc pas se soigner avec un traitement médicamenteux.

Cependant, lors de dépistage précoce sur de jeunes poulains, des protocoles basés sur un exercice limité, une alimentation contrôlée et parfois un traitement de corticoïdes, permettent de limiter l’évolution de la maladie. En effet, une croissance trop rapide, associée à un exercice parfois violent, entrainent une augmentation de la sténose du canal vertébral et donc de la compression de la moelle épinière.

Pour les cas plus sévères, la chirurgie cervicale a beaucoup progressé ces dernières années.

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Credit photo : clinique vétérinaire Grosbois

Une myélographie (examen radiographique avec produit de contraste injecté dans le canal vertébral, sous anesthésie générale) est d’abord nécessaire.

La chirurgie consistera ensuite à immobiliser la ou les articulations instables en fixant entre elles les deux vertèbres dans une position ne comprimant pas la moelle épinière.

Il existe différentes techniques selon le chirurgien, utilisant différents types de matériels (« paniers », plaques et vis…).

Cependant, le prix de ce genre d’intervention et le pronostic malgré tout réservé sont dissuasifs pour la majorité des propriétaires. Les chances de succès sont meilleures si l’intervention est précoce après l’apparition des premiers symptômes, car les séquelles sont fréquentes en cas de lésions sévères de la moelle épinière.

Et l’ostéopathie dans tout ça ?

L’ostéopathie est très souvent évoquée comme traitement lors d’ataxie, mais reste controversée.

Maintenant que nous vous avons expliqué les différentes causes d’ataxie, il paraît évident que lors de compression mécanique de la moelle épinière, l’ostéopathie peut grandement aider le cheval mais que les risques d’aggraver les symptômes sont énormes.

En effet, « remettre les vertèbres en place » comme on l’entend souvent dire, en cas d’instabilité permettrait de soulager le cheval.

Cependant, la réalité n’est pas si simple, et une mauvaise manipulation peut sévèrement aggraver les symptômes.

osteopathe-cheval

Dans la pratique, malheureusement, on voit plus souvent des chevaux chez qui la manipulation ostéopathique a augmenté l’ataxie, même si heureusement, certains praticiens font des miracles.

Les recommandations avant d’envisager une manipulation sur un cheval ataxique :

  • Pas de manipulation sans diagnostic vétérinaire. En effet, une manipulation ostéopathique sur un cheval avec une fracture cervicale par exemple, pourrait s’avérer dramatique, en plus d’être très douloureuse pour celui-ci. Aucun ostéopathe ne devrait accepter de manipuler un cheval ataxique sans avoir eu le feu vert du vétérinaire traitant du cheval.

  • Eviter les manipulations « à chaud » en pleine crise inflammatoire et sous traitement corticoïde.

  • Ostéopathe vétérinaire ou non ? On entend souvent recommander uniquement les ostéopathes vétérinaires lors d’ataxie. Si le diagnostic précis a été posé et que le vétérinaire du cheval a pu discuter du cas avec l’ostéopathe et lui donner son feu vert, ce n’est pas obligatoire. Mais en aucun cas une ataxie ne peut être gérée uniquement par un ostéopathe non vétérinaire. Les risques pour le cheval sont énormes.

Pour conclure : 

L’ataxie chez le cheval est un problème complexe, pouvant avoir de nombreuses origines. Elle n’est pas forcément aussi simple à diagnostiquer qu’il n’y paraît, et de nombreux chevaux de sport sont touchés à un grade léger sans qu’on le sache. L’ataxie est problématique à partir du moment où le cheval peut présenter des troubles de l’équilibre. Cela dépend de la cause, mais les possibilités thérapeutiques sont malheureusement très limitées, le pronostic sportif du cheval est souvent mauvais mais son pronostic vital est lui aussi engagé dans de nombreux cas. Cependant, les progrès de la médecine et surtout de la chirurgie sont encourageants pour les cas de syndrome de Wobbler.

Article rédigé par P.Cantet, vétérinaire équin

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