Saillie de la jument : comment ça marche ?

Le printemps est arrivé, c’est le début de la saison de monte. Peut-être avez-vous déjà mûri ce projet, et rêvez de faire naître votre poulain. Vous avez peut-être même déjà une jument qui a toutes vos faveurs : elle est par exemple, votre meilleur cheval de concours, elle a toujours été en pleine forme, sa conformation, sa génétique et son tempérament vous semblent optimaux, bref, elle est parfaite et vous rêvez d’avoir sa descendance à vos côtés.

Il vous faudra patienter 11 mois pour que ce projet se concrétise si la jument est belle et bien pleine, mais avant toute chose, il faut choisir le père de ce futur poulain et déterminer quel type de saillie vous allez effectuer.

Monte naturelle, monte en main, insémination artificielle, transfert d’embryons, autant de possibilités s’offrent à vous, mais elles ont chacune leurs avantages et inconvénients et surtout un coût.

Quelques considérations préalables avant de choisir son mode de saillie

Il est important de ne pas se décider sur un coup de tête, et de bien prendre en compte ces éléments au préalable :

  • Âge de la jument :

La fertilité des juments diminue avec l’âge, on considère qu’à partir de l’âge de 13 ans, une jument n’ayant jamais pouliné aura plus de difficultés à être fécondée du premier coup.

Après l’âge de 20 ans, les risques d’avoir une mise-bas compliquée augmentent de manière importante et il n’est pas recommandé de faire saillir des juments trop âgées.

En fonction du type d’étalon que vous allez choisir pour la saillie, il est possible que la monte « naturelle » ne soit pas une possibilité qui s’offre à vous.

Par exemple, pour des raisons géographiques, si l’étalon de vos rêves vit à l’étranger, ou alors en fonction de la race choisie.

En effet, certains stud-books n’autorisent pas la monte naturelle tandis qu’à l’inverse d’autres races interdisent l’insémination, c’est le cas du stud-book du pur-sang-Anglais, et certains stud-books comme celui de l’AQPS et des pur-sang interdisent le transfert d’embryon.

Les différents types de saillie

Monte naturelle et monte en main

Il s’agit de la méthode la plus efficace et associée au meilleur taux de réussite, mais encore faut-il avoir l’étalon disponible pour une monte en liberté.

Il faudra bien souvent déplacer votre jument, et des tests bactériologiques seront indispensables afin d’éviter la transmission de maladies vénériennes.

Votre vétérinaire réalisera notamment des prélèvements au niveau du col utérin de la jument, et de la vulve pour exclure la présence de métrite contagieuse et d’autres bactéries au besoin (Taylorella equigenitalis, Klebsiella, etc..)

L’étalon devra disposer des mêmes tests pour s’assurer de la sécurité sanitaire de la saillie. D’autres analyses peuvent être effectuées, par voie sanguine notamment pour l’artérite virale.

Une variante de la monte naturelle s’appelle la monte en main.

La jument est en présence de l’étalon, mais l’homme intervient dans le processus pour encadrer l’accouplement des chevaux. Il faudra s’assurer que la jument est en chaleur avant de la présenter à l’étalon.

Cette saillie s’effectue le plus souvent dans un lieu dédié (enclos, manège) avec des conditions contrôlées, l’étalon et la jument étant tenus en main.

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Illustration : Monte en main /Source : ©A.Margat

L’insémination artificielle

L’insémination artificielle se divise en 3 catégories en fonction de l’état de réfrigération du sperme à inséminer. Le sperme est déposé dans le corps de l’utérus de la jument ou au fond de la corne utérine selon la technique employée.

  • Insémination artificielle avec semence fraîche (IAF) : le sperme récolté doit être inséminé immédiatement, dans les 30 minutes qui suivent sa récolte et il ne reçoit aucun traitement.
  • Insémination artificielle avec semence réfrigérée (IAR): le sperme est récolté, traité et dilué, puis réfrigéré à 4 °C, il devra être inséminé dans les 24 à 36 heures maximum pour conserver sa fertilité.
  • Insémination artificielle avec semence congelée (IAC) : le sperme après récolte est traité, et préparé. Il est conditionné dans des « paillettes » qui correspondent à une unité calibrée contenant un certain nombre de spermatozoïdes. Une paillette contient 0.5 mL de sperme et 50 millions de spermatozoïdes. Le sperme est commercialisable si la mobilité moyenne des spermatozoïdes après décongélation est supérieure ou égale à 35 %.
    En général, il faut 8 paillettes pour une insémination, mais pour certains étalons la vente s’effectue à la paillette et le prix peut atteindre plusieurs milliers d’euros. Dans ce cas précis, le vétérinaire choisira sûrement une insémination sur l’ovulation ou une insémination profonde (directement dans l’utérus) pour augmenter le taux de réussite.
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Illustration : technique d’insémination classique : La sonde d’insémination se situe au niveau du corps de l’utérus de la jument /Source : ©webconférenceIFCE

Le transfert d’embryon

C’est la technique la plus complexe et la plus coûteuse, elle nécessite que votre vétérinaire ait une licence de chef de centre.

Souvent utilisée pour des juments ayant une haute valeur génétique, mais que l’on ne veut pas faire pouliner (jument qui continue sa carrière de concours, ou trop âgée avec risques au poulinage), l’insémination artificielle se déroule de manière classique, mais 7 – 8 jours post-ovulation, l’embryon s’il est présent sera récolté pour être ensuite transféré dans l’utérus d’une jument porteuse qui se chargera de mener à bien le reste de la gestation.

Cela demande une certaine logistique : transport de l’embryon, avoir des juments porteuses qui soient fertiles, avec de bonnes qualités maternelles, qui soient synchrones au niveau du cycle avec la donneuse, etc.

Illustration : Observation microscopique d’un embryon équin après récolte /Source : ©IFCE

Bilan : Avantage et inconvénients de chaque technique

 

AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

Fertilité par chaleur en moyenne (sources Haras nationaux)
Monte naturelle (en liberté) ✓ Très bon taux de réussite

✓ Fertilité moyenne par chaleur

✓ Un même étalon peut saillir plusieurs juments sur place dans le pré

✓ Pas besoin de contrôler le cycle de la jument, les chevaux se « gèrent » naturellement

■ Risques sanitaires si l’étalon n’est pas testé

■ Risques d’accidents (coup de pied, blessures etc..) surtout avec des juments primipares

■ Besoin de déplacer la jument

55-60%

Monte en main ✓ Très bon taux de réussite ■ Jument souvent entravée et peut être traumatisant pour les primipares

■ Nécessité de s’assurer en amont que la jument est en chaleur

55-60%

Insémination artificielle avec semence fraiche (IAF)

 

✓ Bon taux de réussite

✓ Evite les accidents liés à la monte naturelle ou en main

■ Pas souvent disponible pour les étalons ayant une forte demande

■ Nécessite d’être sur place ou à proximité immédiate de l’étalon

55%

Insémination artificielle avec semence réfrigérée (IAR) ✓ Evite les accidents liés à la monte naturelle ou en main

✓ Un même étalon peut servir 25 juments à  chaque éjaculat

■ Plus le délai de réfrigération augmente, plus la fertilité diminue Si inséminée dans les 12 heures après récolte : 55%

Si inséminée après 24h de transport : 45%

Insémination artificielle avec semence congelée (IAC) ✓ Sperme se conserve plusieurs années

✓ Limite les déplacements de la jument et de l’étalon

✓ Permet d’avoir la semence d’étalons qui ne sont plus en activité ou d’illustres champions plus de ce monde

■ Sperme plus fragile

■ Nécessite un suivi gynécologique précis

■ Une fois décongelés les spermatozoïdes ne survivent que 6 heures

■ Seul le sperme d’un étalon sur 3 peut être congelé

45 % avec 8 paillettes par insémination !

Avec 1 paillette : fertilité/chaleur : 25% (IA classique ou profonde)

Transfert d’embryon ✓ Une même jument de haute valeur génétique peut produire plusieurs poulains la même année

✓ La jument peut poursuivre sa carrière sportive

✓ Une jument âgée ou trop jeune pour pouliner peut donner une descendance

■ Technique coûteuse (budget minimum 3000€)

■ Logistique contraignante

■ Synchronisation entre donneuse-receveuse

■ Le suivi gynécologique doit être très précis

Taux d’embryon par récolte : 30-60%

Taux de gestation à J14 de la porteuse après transfert : 65-85%

Taux de gestation à J45 ; 50-75%

Conclusion

N’hésitez pas à demander conseil à votre vétérinaire, il saura vous indiquer la technique la plus adaptée à votre projet.

Le choix du mode de saillie dépendra aussi de l’étalon que vous choisirez, tous les étalons n’étant pas disponibles en monte naturelle et à l’inverse tous les étalons ne possédant pas une semence assez fertile pour qu’elle soit congelée.

S.Pradeaud

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